Après un dopler, la prescription est claire : béquille pendant deux semaines et attelle articulée pendant 4 : autant dire que cette déchirure musculaire va considérablement ralentir nos ballades !
Loic et Hugo nous ont attendu à l'aéroport et accueilli dans une "Maison bleue en haut de la colline" qui accueille même quand la famille n'est pas la : des gens au grand coeur et c'est super réconfortant ! On échange sur tout et sur la Nouvelle Calédonie bien sur autour d'une méga pizza.
Donc on s'adapte au nouveau rythme et une superbe sortie à l'aquarium nous fait partager avec les enfants la joie de voir ...sous l'eau : de l'eau douce a l'eau de mer ; les espèces endémiques en faune et flore sont représentées dans des immenses aquariums. Des requins et tortues cotoient des bancs de poissons autour de massifs coraliens. En sortant, on rit de voir la façade extérieure composée des plaques de verres qui expulse l'eau et fait l'effet d'aquariums remplis à raz bord en plein raz de marée...
Pendant que les enfants se défoulent en halte garderie pour cette dernière halte francophone, on tente un petit tour au centre culturel Djibaou avec une architecture étonnante composée de coques immenses évidées en bois d'iroko d'une trentaine de mètres à ventilation naturelle (étudiée pour les vents dominants) s'intégrant à l'espace naturel de la colline environnante : fonctionnant au ralenti pendant les grandes vacances, nous nous sommes quand même attardés sur des statues colorées aux effigies des différentes tribus de la Grande Terre et autres îles mélanésiennes, une expo photos d'un employé de commerce au début du vingtième siècle dans les rues de nouméa puis avons flané dans le parcours initiatique livrant les secrets de la botanique et son histoire kanak le long d'une mini promenade dont un chouette passage dans la mangrove. Enfin un espace de communication autour de reconstitution de cases avec les fameuses flèches faîtières (colonne de soutien central pour la case du chef représentant les ancêtres) et piliers d'entrée (à noter, la tradition oblige à s'abaisser par respect devant les anciens pour pénétrer ce lieu de vie; cela change de l'Inde ou c'était pour stopper l'ennemi en lui tranchant la tête).
Autre parcours de santé au Parc zoologique et forestier Michel Corbasson sous des trombes d'eau. A cinq minutes du centre ville, avec une vue magnifique (en théorie) sur Nouméa, le Parc présente la biodiversité de Grande terre avec d'abord son emblème : le Cagou (un gros pigeon gris à huppe mais qui ne sait pas voler), puis des roussettes (pas le poisson mais la chauve souris : ses poils sont notamment repris pour faire des cordes présent dans les "monnaies kanaks), perruches, de très beaux geckos et les fameux paons dont des albinos qui loin d'être farouches se présentent à moins d'un mètre pour réclamer un morceau de pain. Adeptes des abris, nous nous sommes cultivés à la maison de la nature sur le système de symbiose entre arbres et champignons étudiés pour repeupler les anciens terrains miniers (avec un fort taux de nickel).
Nous sommes surpris de nous reconnecter de plein fouet dans la vie française car ce n'est pas rien que Nouméa est surnommée la ville blanche : les noms de rues sont français, l'architecture rappelle les quartiers de banlieues il y a quelques années, les télés et radios sont les mêmes qu'à Paris, on se sent plus en France qu'en Nouvelle Calédonie...
Nous reprenons la route après un dernier repas avec nos acolytes et c'est sous les nuages que nous abordons le début du parcours ; à la Foa, ou après avoir dormi à la presqu'île de Ouinou dans un endroit charmant près de la mangrove mais infesté de moustiques, nous décidons de quitter les côtes en prenant la route transversale pour rentrer dans le vif du sujet, non sans avoir admiré les grands totem et autres statues kanaks du Parc George GUILERMET, pendant que les enfants usent leur fond de culotte sur les jeux aménagés.
Les photos
Les montagnes qui occupent la partie centrale du Caillou sont couvertes de forêt primaire avec des fougères aussi grandes que les palmiers et des banians avec lianes et/ou orchidées. A savoir, la Nouvelle Calédonie compte environ 4000 espèces végétales dont la majorité endémiques et certaines remontent au temps des dinosaures (8 sur les 13 répertoriées au monde). Le premier arrêt dans une cascade de Dogny à Sarramea se fait entre deux trombes d'eau.
Nous n'irons pas à Canala, cela nous est déconseillé car les indépendantistes y sont virulents. Si nous en sommes pas les bienvenus, par la peine de s'imposer.
Arrivés à Kouaoua en suivant la Serpentine (un tapis roulant de 11 km descendant la montagne pour acheminer le minerai jusqu'à la ville en 1/4 d'heure), nous ne pouvons trouver place dans l'hôtel du même nom occupés par les miniers ; qu'à cela ne tienne, en cherchant une cabine téléphonique à l'OPT (poste locale), on nous conseille un logement en tribu et on y conduit (franchement sympas ces calédoniens) ; la famille en charge du gîte nous accueille chaleureusement et c'est avec les enfants de la famille que nous sommes conduits à la rivière : discussion, séances de poses photos et le groupe d'enfants grossit ; comme Eric se repose, une grande fille porte Maxendre pendant qu'un "grand copain" tient la main de Leodagan (avec mes béquilles, j'impressionne) et les enfants sont vite rebaptisés : les "cheveux courts" ou "les tous blancs". Nous voila bientôt embarqués pour faire le tour de la communauté ; nous apprenons tout des légendes (pierre du tonnerre tabou) et des potins bien sûr ... Après avoir salué tous les occupants, il ne faut pas oublier de dire bonjour au dernier né... puis la joyeuse troupe demande à être présentée à Eric avant de nous quitter à la nuit tombée car c'est l'heure des moustiques (tout le monde se calfeutre pendant une demi heure, surtout nous). On nous apporte alors la gamelle (ou plats à emporter) en quantité gargantuesque et fort goûteuse ; bref, pour de l'accueil, nous sommes servis !
Difficile de dire au Revoir quand on nous offre en plus un magnifique corossol pour au moins 6 personnes (franchement délicieux), des fruits de la passion, des bananes et des mangues...
Nous passons donc des cols entre les mines attaquants la montagne rouge et les points de vues sur des vallées verdoyantes avec le trajet sinueux d'une rivière allant vers la mer à la recherche de pétroglyphes.
Les photos
La côte Est est beaucoup plus sauvage et changeante entre mer, rivières et montagnes. Les plages sont tantôt blanches, grises, noires ; les ponts sont parfois très étroits, parfois très élaborés à l'ancienne avec structures métalliques (comme le pont Eiffel) et nous passons ainsi Ponerihouen et Poindimié en alternant en baignade à la mer et en cascade (comme les chutes de Pombei ou la cascade de Napoemien). Les gens aiment rendre service et quel bonheur de se voir dire bonjour partout ou l'on passe : on se sent autrement plus considérés chez les Calédoniens que dans la capitale, sans pour autant sentir une gène car les évènements semblent lointains et le référendum sur une éventuelle indépendance en 2014 tout autant (on imagine presque que 2014 signifie ici Saintglinglin).
Sauf peut être à Hyenghène qui, (son nom signifie "pleurer en marchant"), a été marquée par l'histoire : déjà à l'époque des premiers missionnaires, ensuite du fait de déplacement de nombreuses tribus pour distribuer les terres aux colons à des fins agricoles, du boycott de 1984 et des évènements de 1987 ; c'est d'ailleurs ici qu'est né Jean Marie Djibaou.
A l'approche de la ville, on longe la rivière et d'immenses blocs de roches volcaniques noires effilées en leur sommet où viennent se nicher roussettes et buses. S'approchant de la baie, le point de vue du belvédère met en évidence les formations rocheuses telles la poule couvante ou le Sphinx, mais aussi le point culminant de l'île avec le Mont Panié (1629 m) accrochant les nuages. Dommage que la grotte de Lindéralique soit fermée car elle est semble-t-on nous dire superbe mais la tribu ne donne plus l'accès.
En remontant le long de la côte, on passe par le denier bac en vigueur car la tribu locale préserve cet endroit sacré et ne souhaite pas la construction d'un pont. Après la cascade de Tao (chute de 100 m dans une végétation luxuriante), nous rencontrons un couple franco suisse qui tente de se poser après avoir beaucoup bourlingué et d'installer un snack en accord avec les tribus environnantes. On échange ainsi en faisant durer le plus longtemps possible le repas.
La route est belle et les petites cabanes sur le bord de la route proposent en vrai libre service (= sans vendeur) des fruits /coquillages/statues sur lesquels le prix est mentionné et une cagnotte est mise à disposition.
On s'éloigne ainsi de la côte sauvage par la route Nord en apercevant de loin le massif coralien qui prend ici la forme de la gueule d'un requin vue du dernier col (la Nouvelle Calédonie compte le plus grand massif corallien au monde).
Sur la transversale Nord Ouest, entre les monts verts tendres qui ne sont pas sans rappeler les volcans endormis d'Auvergne et les monts plus pelés et secs (avec des arbres blancs plus dénudés) de quoi faire penser à certains coins d'Afrique), il y a de quoi être déroutés ! Les rivières sont massives même s'il ne pleut pas encore beaucoup : on ne pas dire que le Caillou manque de sources.
Commence ensuite la pente douce et très cultivée de la côte Ouest ou les stockmens (cowboys locaux généralement blancs anciens colons) entretiennent les terres pour l'élevage et/ou autres productions agricoles : un vrai farwest exotique.
On trouve ainsi des troupeaux de vaches plus ou moins en liberté sous les palmiers ou les flamboyants.
Les menus affichent aussi bien du cerf (qui pullule sur la grande terre et semble devenir un vrai fléau) ....que des crevettes.
Dommage, nous sommes proches de la rentrée des classes et les terriens ont un peu déserté la place pour placer leurs enfants en internat. Nous nous réfugions en tribu (parfois assez éloignée des villes et sur des pistes sportives : c'est pour mieux les mériter) : accueil sommaire près de Koumac mais très attentionné à la Foa = on déguste un excellent bougnat (spécialité locale cuite dans des feuilles de bananiers à l'étouffée avec banane plantin, tarot, igname...) à la tribu de Oui Poin qui met à disposition un faré de bonne taille en plein centre de la communauté. Repos donc dans un environnement pas si calme qu'il paraît, si l'on tend l'oreille entre papillons, cigales ou criquets qui chantent de jour comme de nuit et viennent s'assommer sur les lumières électriques ou se faire gober par les margouillats (gékos locaux), le cri de bébé des roussettes en pleine nuit qui titillent les instincts maternelles, les chevaux en liberté qui continuent de brouter en pleine nuit près des farés pour éviter les sangliers, sans parler de tous les bruits d'oiseaux tous plus mélodieux les uns que les autres, et peu de moustiques (ouaiiiii).
Un superbe point de vue de Dumbea avec le Mont Koghy : dommage que les infos du petit futé soient complètement éronées sur les prix car on aurait bien dormi dans ces bungalows en hauteur au milieu des arbres et mangé au restaurant qui proposait des spécialités savoyardes... En tout cas une adresse à retenir pour s'installer pas trop loin de Nouméa et en pleine verdure.
Les photos
En tribu, il ne faut pas chercher à tout prix un accueil ni une prestation commerciale : c'est au bon vouloir des hôtes qui ne courent pas après les clients (le téléphone sonne souvent dans le vide et il faut parfois appeler dix fois pour confirmer une réservation ou assurer un transfert aéroport/hôtel).
Mais cela valait la peine d'insister : encadré par des pins colonnaires et des cocotiers, le gîte d'Oro est pour le moment avec une baie sèche mais promet d'être les pieds dans l'eau une fois la marée haute ; nous jouons avec les enfants à cache cache avec des centaines de crabes rouges qui occupent la place en sortant de leurs trous dès qu'ils ne nous voient plus.
Comme le temps n'est pas clément, une bonne balade en forêt, accompagnés d'oiseaux super siffleurs, nous fait parfois tomber nez à nez avec quelques gros crabes terrestres mais la vue sur la baie d'Upi est super appréciable, la piscine naturelle d'Oro idyllique et la remontée de la rivière de sable des plus dépaysantes. A l'arrivée, Eric se lance dans la dégustation de langoustes locales (1demie et une cigale de mer entière, ils sont généreux) dans le restaurant Konghy tenu par une autre tribu.
On commence le tour de l'île par Vao : autant dire le hameau au bout de la grande ligne droite, les Champs Elysées locaux, l'église de Notre Dame de l'Assomption des plus voyantes car rouge sur le vert de la végétation puis les baies du sud de Saint Maurice pour leurs totems Kwenyii et Saint Joseph pour leurs pirogues et enfin les baies de Kanumera et Kuto, enviées pour leurs eaux laiteuses et turquoises qui les rendent paradisiaques, avant d'aller déguster une autre spécialité locale soit une douzaine d'escargots d'une grosseur de 7 à 8 cm, avec leurs cônes allongés mais qui n'ont pas plus de chair qu'en France et qu'on déguste aussi ici avec un beurre maître d'hôtel.
On poursuivra nos découvertes vers le centre pour plonger dans la très grande grotte de la Reine Hortense qui lui servit de refuge. On papote un peu avec la gardienne de la tribu de Téouté et lui achetons des mangues au passage pour profiter encore de ces fruits succulents qui ne manquent pas (comme les fleurs coupées pour assurer la décoration des maisons, tables de resto). Un dernier plouf dans l'eau et il est temps de revenir sur la Grande terre pour la dernière partie de la nouvelle Calédonie.
Les Photos
On repasse par les monts arrondis d'Auvergne" proches de Nouméa pour accèder aux terres rouges du Sud avec les superbes points de vue sur Yaté et ses environs que nous ne voyons pas puisque nous avançons dans une purée de pois. Heureusement que l'accueil est chaleureux car la météo n'est pas de notre côté et je me rue sur des crevettes délicieuses pour oublier la pluie forte et que l'eau est coupée à cause de cela.
Heureusement pour nous, le soleil fait timidement son apparition au lendemain : heureusement donc car l'électricité est elle aussi coupée (pour travaux) et on repart explorer le parc de la rivière bleue : les chutes de la Madeleine et son jardin botanique, les marais de la rivière blanche et la fameuse forêt noyée, chère à Eric pour les photos. Avec d'un côté de la montagne la pluie qui menace et de l'autre le cagnard, on n'hésite plus : on avance ; bonne rééducation pour la jambe (les béquilles nous ont quittées avant l'Ile des Pins) et bon défouloir pour les enfants qui ont plus que le plein d'énergie !
On descendra ensuite sur Prony, un village fantôme aux maisons entretenues avec les ruines peu visibles du bagne pour l'exploitation forestière et minière du Sud de l'île: il faut dire que la Nouvelle Calédonie représente 20 % des réserves mondiales de nickel (l'or vert) et est le 3ème producteur mondial de ce minerai.
A notre retour sur Nouméa, on fait enfin la connaissance des Bichons, nos hôtes au coeur d'or qui nous ont accueillis sans nous connaître dans leur maison pendant qu'il étaient en métropole : au combien charmants, nous nous sommes même retrouvés le lendemain pour un bougnat familial et les enfants se sont régalés des moments passés avec eux à comprendre grâce aux BD qu'ils ont reçues de leur part "pourquoi le tricot rayé (serpent local) est-il rayé ?" Un grand merci à eux (et à Claire bien sûr) !
Création: Eric Monge